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Un labyrinthe dans la ville

Un labyrinthe dans la ville

Blog d'une brestoise: Coups de gueule, événements, humour, photos, poèmes, politique, projets de romans, et réflexion.


Apolitisme = politique du vide

Publié par Le Labyrinthe sur 25 Mai 2018, 23:13pm

Catégories : #Réflexion, #Témoignage, #Politique, #SDF, #Pauvres, #Sans-papiers, #Privé-e-s d'emploi, #Féminisme

J'avais pour idée de faire un article sur l'apolitisme: le fait que des personnes se disent "apolitiques" dans beaucoup de circonstances, notamment dans des assos de précaires, de solidarité ou à vocation culturelle. Cela me semble paradoxal, voire un comble. 

Ce soir, j'ai lu un article sur un collectif de citoyen.ne.s qui viennent en aide aux réfugié.e.s qui se dit "apolitique". Un passage qui m'a rappelé que je dois faire cet article. 

Qu'est ce que la politique? S'engager dans la vie de la cité. L'être humain est un animal politique, disait Aristote, car l'être humain a la parole, qui lui permet d'exprimer le juste et l'injuste, ce qui est utile ou nuisible ( cela dit, les dernières recherches montrent que les animaux peuvent communiquer, d'une façon plus complexe que nous le pensions, comme les oiseaux... ). Ainsi, dès que nous faisons parti d'un groupe, qui a pour but de revendiquer quelque-chose, de créer du lien, dès lors que nous faisons des choix, nous faisons de la politique.

Faire nos courses est politique, par exemple. Suivant ce qu'on choisi d'acheter ou de ne pas acheter: bio, OGM, équitable, sans ou avec huile de palme, sans ou avec gluten, viande ou pas, halal ou pas, acheter une galette des rois ou pas, une bûche de Noël ou pas: en achetant quelque-chose, on perpétue la production de ce produit, on l'encourage. Suivant le produit, on va soutenir des petits producteurs ou des grands industriels ( dans les grandes lignes... je sais qu'il y a des gens entre les deux ), on va consommer de l'huile de palme, et donc être complice de la destruction de forêts, de sa faune et flore, ou pas, on va être complice de la souffrance animale si on mange de la viande ( peu importe halal ou pas ), avec nos appareils électroniques, nous sommes complices de l'exploitation de nombreuses personnes en Afrique et Asie du Sud Est, qui extraient les minerais qui constituent les circuits imprimés dans des conditions ignobles ( des enfants, parfois ). 

Quand je faisais un service civique à l'éducation nationale, j'avais la sensation de faire de la politique, puisque je m'engageais. J'ai donné 10 mois de ma vie pour deux écoles, des enfants de 2 à 11 ans, pour les aider à progresser, à avoir davantage confiance en elleux, à se sentir respecté.e.s et estimé.e.s, de réfléchir à leurs préjugés: c'est la base, pour produire une société plus juste, plus heureuse et enthousiasmante, je pense. Par contre, contrairement à ce qui était écrit sur un courrier que j'ai pu recevoir, je ne suis pas d'accord avec le fait qu'on considère que j'étais engagée "pour la nation". Je ne soutiens pas la nation française, de une ( trop entachée de colonisation, racisme et classisme ), puis c'est trop abstrait. On s'engage avec et pour des gens. Les enfants que je voyais tous les jours et mes collègues. 

La façon dont on traite les SDF est politique: les ignorer ou pas, les mépriser ou pas, les saluer ou pas, leur donner de l'argent ou pas. Ne pas agir est politique! Cela a un impact.

L'occupation de l'espace public est politique. 

La répartition des tâches ménagères est politique. 

En fait, toutes les actions où il y a des inégalités suivant qu'on soit opprimé.e ou oppresseur.e

Chercher un travail ou ne pas en chercher, accepter le premier travail qui vient ou pas, protester face à des mauvaises conditions ou pas, la façon de protester, se syndiquer ou pas, faire grève ou pas ( encore faut il que ce soit possible, sans être viré.e, c'est sûr ). 

Tout le monde fait de la politique. 

Sur mon lieu de formation, nous apprenons la langue bretonne. Une langue minorisée, une langue en danger, une langue qui fut interdite à l'école, dont les locuteurs ont été humiliés. Alors oui, apprendre cette langue est éminemment politique. J'ai donc du mal à comprendre quand j'entends "attention, faut pas faire de politique". 

Définition:

Tout dépend de la définition qu'on a en tête. Pour nombre de personnes, la politique, c'est les partis politiques. Parfois, le fait de militer: participer à des manifs... C'est une définition restreinte de la politique.

Connaissez vous le livre de Simone Weil, la philosophe, "note sur la suppression générale des partis politiques"? Je vous conseille vraiment de le lire. Cette philosophe était communiste, catholique, issue d'une famille juive laïque, elle a participé à la guerre d'Espagne, côté républicains, malgré son pacifisme convaincu, elle a travaillé en usine, pour témoigner des conditions de travail ( "la condition ouvrière" ), ainsi qu'aux champs. Des travaux pénibles, qui ont beaucoup altéré sa santé. Elle est décédée jeune, à Londres, se rationnant, par solidarité des français.es, frustrée de ne pas pouvoir servir plus que cela la résistance, pendant la seconde guerre mondiale. Mon personnage historique préféré... Bref, elle était communiste ( critique vis à vis de l'URSS ), engagée, et contre les partis. Ce qui montre bien qu'on peut faire de la politique sans partis. 

Une personne anarchiste fait de la politique, sans être dans un parti. Elle va passer plus de temps dans des collectifs, à organiser des événements, discuter, débattre, aider des gens, réparer des vélos, écrire des brochures militantes, jouer de la musique ( un moyen de véhiculer des idées ), etc., que de manifester ( je dresse des grandes lignes, encore une fois: ce n'est pas la vérité pour tout le monde ). 

C'est pour cela, que quand j'entends que les personnes qui votent blancs ou ne votent pas "s'en fichent", ça m'hérisse le poil. Ce n'est pas vrai! On a mille et une façons de s'engager, d'agir! 

Y'en a qui donnent des cours de français à des réfugié.e.s, d'autres qui prêtent une oreille aux femmes battues ou aux personnes qui veulent se suicider, d'autres lisent des livres aux enfants dans les écoles, d'autres font des activités pour les personnes incarcérées, d'autres vont visiter les enfants malades ou les personnes âgées, etc.

Tout le monde peut faire quelque-chose. 

Après, il est clair que l'engagement "sportif" n'est pas donné à tout le monde... Faut avoir de l'énergie, du temps et de la volonté ( une forme de passion, de flamme ).

C'est plus complexe, quand on a des problèmes de santé, qu'on est dans la précarité, qu'on a du mal à sortir de chez soi du fait de dépression ou de phobies, qu'on a du mal à s'exprimer, que ce soit à l'oral ou l'écrit, qu'on est discriminé.e par beaucoup, y compris dans le milieu militant... 

N'ayez pas peur! 

Le mot "politique" ne devrait pas être un gros mot. S'engager dans la vie de la cité, c'est beau. 

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