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Un labyrinthe dans la ville

Un labyrinthe dans la ville

Blog d'une brestoise: Coups de gueule, événements, humour, photos, poèmes, politique, projets de romans, et réflexion.


Victimisation or not victimisation?

Publié par Le Labyrinthe sur 18 Juillet 2018, 23:04pm

Catégories : #Réflexion, #Féminisme, #Antiracisme, #LGBTQI+, #Violence Scolaire

Introduction:

J'ai décidé de rédiger un article sur ce sujet, puisque, en dessous des témoignages de racisme, sexisme ou de violences policières, par exemple, on retrouve actuellement, beaucoup d'accusations de "victimisation".

Pour quelles raisons? Victimisation ou pas, en quoi ça rendrait le témoignage inapte? De quoi le mot et concept de "victimisation" est il le nom?

Mise au point:

Tout d'abord, oui, il y a des victimes, mais on est pas victimes toute notre vie ( peu de gens souhaitent rester victimes!! ). Etre victime est une posture passagère, qui est la conséquence d'un événement que l'on vit, où l'on est traité.e de façon violente ( verbalement ou physiquement, parfois sexuellement ). Quelque-chose nous blesse. Une personne, une institution, un groupe de personnes, nous blesse, et ce, intentionnellement ou non, ( parfois, ce peut être une forme de maladresse, due à l'éducation discriminatoire de la personne: ce qui ne défausse pas la personne de sa responsabilité ). Il ne s'agit pas de dire que la partie adverse, que ce soit une personne ou un groupe de personnes, est le diable, mais que dans un cas précis, cette ou ces personnes, on fait preuve de violence envers une autre ( parfois, plusieurs autres ). C'est un fait.

Exemple concret, le harcèlement scolaire:

Une personne est harcelée à l'école. On se moque d'elle tous les jours, les autres jeunes veulent pas travailler avec elle, ni discuter avec elle, personne ne l'aide. Cas "classique", hélas. Cette personne est victime de harcèlement scolaire. Il est important de le reconnaître, pour mettre un mot sur la souffrance, dans un premier temps. Non, ce n'est pas de la faute de la personne si elle est harcelée. Non, elle n'est pas nulle. Oui, elle va vivre et s'en sortir ( même si ce n'est pas facile tous les jours ). Cette personne a été victime, mais aspire à sortir de son statut de victime. 

Simplement, il est plus facile de sortir de son statut de victime quand on obtient justice. Quand les personnes qui ont commis les violences sont sanctionnées. 

Tout le monde souffre:

Les détractrices et détracteurs disent "tout le monde vit des violences, tout le monde souffre, dans la vie". C'est vrai. Mais pas de la même manière, pas pour les mêmes raisons, les souffrances ne sont pas de même intensité, ne durent pas autant de temps selon les personnes, peuvent être sanctionnées -ou pas-, la personne peut se faire soigner/être suivie/est entourée -ou pas-, etc. 

Exemple concret, être largué.e +discrimination-ou pas-:

T'es largué.e par ton copain ou ta copine. Tu te sens trop mal. C'est légitime. Si en plus d'être largué.e, tu appartiens à une catégorie discriminée, genre, t'es homo, ça peut ajouter de la souffrance, à cause de l'homophobie. Tu as des idées fixes, des raisonnements qui tournent dans la tête, tu te dis "ce serait plus facile si j'étais hétéro, pourquoi je suis homo?!" ( homophobie intériorisée ). Une souffrance supplémentaire par rapport aux hétéros. 

Suicide et hôpitaux psychiatriques + autres aléas:

Vous êtes vous posé.e la question de pourquoi les homos et trans se suicident plus que les autres? Pourquoi les personnes noires et arabes sont-proportionnellement à leur nombre dans la population française-très présentes dans les hôpitaux psychiatriques? ( ce qu'indique le sociologue Saïd Bouamama ). Parce que ces personnes souffrent de discriminations. En plus des malheurs que peuvent connaitre tout un chacun.e: deuils, perte d'emploi, que sais-je... 

Même les deuils et pertes d'emploi sont plus présentes dans les vies de certaines personnes, par rapport à d'autres, certains groupes, par rapport à d'autres, pour être plus précise. L’espérance de vie des personnes de milieu populaire est plus faible, que chez les personnes de catégories privilégiées ( par exemple: beaucoup de travailleurs du bâtiment meurent dans des accidents ou sont blessés gravement, à une autre époque, c'était dans les mines... ). Même si tout le monde connait le chômage ( même une personne qui a un doctorat ), certains quartiers sont plus touchés que d'autres ( les barres HLM ), des personnes qui ont des noms qui font "pas français" ( d'après les préjugés ), qui ne sont pas blancs ou qui sont gros.ses., etc. 

Compétition de victimes:

Les détractrices/détracteurs, affirment qu'il y a une compétition de victimes. Je ne peux pas nier qu'il existe des personnes qui ont cette mentalité, mais je trouve dommage de balancer cette accusation, même aux personnes qui ne participent pas à cette compétition, ce qui est la plupart du temps le cas.

Il est vrai que ça me fatigue, par exemple, de voir des personnes commenter des articles sur la shoah, en mode "mon peuple a souffert plus que le peuple juif", "faut arrêter avec ça". Finalement, des personnes qui considèrent que les juives/juifs se victimisent, tout en se victimisant elles mêmes. Paradoxal et illogique. 

Il est bête de faire une compétition entre les discriminations, puisque les discriminations s'ajoutent et coexistent. 

La compétition se joue et se créer parfois, et même souvent, par les personnes qui parlent de victimisation. La personne tiendra un discours du genre "je suis au chômage, je suis divorcé.e, j'ai pas d'ami.e.s, et je suis blanc.he./hétéro/cis". 

Quand une personne noire ou arabe dit qu'elle est discriminée à l'emploi, au logement, aux études, avec la police, la justice, etc., elle ne dit pas que vous n'avez pas d'ennuis dans votre vie, elle dit qu'elle a plus de probabilités d'en avoir que vous! C'est différent!

Quand on voit les visages de personnes tuées par la police, il y a quand même beaucoup de noirs et arabes! Des mises en situation ont été faites par des associations, avec le même CV, mettre un nom à consonance "étrangère": il n'y a pas photo ( sans mauvais jeu de mot, hu hu ), la personne avec un nom qui fait "plus français" est valorisée. Des vidéos cachées, ont permis de montrer qu’il existe des agences immobilières qui mettent des bâtons dans les roues des personnes qui ne sont pas blanches. Des témoignages de personnes indiquent qu'elles n'ont pas pu entrer dans une boîte de nuit, alors que des personnes blanches en short, ont pu. Et je pourrais passer des heures à citer, de tête, les témoignages que j'ai pu lire ou écouter.

Ces personnes ne disent pas ça pour qu'on les plaigne, mais parce qu'elles sont révoltées contre ces injustices! Ce n'est pas de la victimisation! C'est de la rébellion!

Intersectionnalité:

Dans certains cas, comme chez les femmes noires aux Etats-Unis, à qui on dit, d'un côté "débarrassons nous d'abord du racisme" et d'un autre,qui voient les féministes blanches les oublier et avoir des privilèges, il s'agit de taper du point sur la table, en disant "hey, je vis le racisme ET le sexisme, prenez en compte ma réalité, sortons de ça!" ( je vous conseille "ne suis je pas une femme?" de Bell Hooks ). C'est aussi le cas des femmes noires en France. Etre une femme trans ou une femme pauvre ou une femme handicapée, est aussi un double stigmate.

Certaines personnes se moquent, en disant "bah alors, quand tu es une femme trans lesbienne handicapée juive et noire...". Ça peut ressembler à une blague, les personnes concernées peuvent en rire ( si les autres le font, c'est blessant et contribue au mal être ).

Une belle transition pour évoquer l'humour.

L'humour

Il est objectivement possible de dire et constater qu'il y a des blagues sur les homos, les trans, les handicapé.e.s, les noir.e.s, les arabes, les asiatiques ( assimilé.e.s aux chinois.e.s )... mais pas sur les hétéros, ni sur les personnes cis ( qui ne sont pas trans ), ni sur les personnes valides, ni sur les personnes neurotypiques ( qui n'ont pas de handicap mental ou de maladie mentale ), ni sur les personnes blanches. On pourrait aussi parler des blagues sur les femmes, même s'il existe des blagues sur les hommes, j'en entends bien plus sur les femmes, notamment, mais pas que, par le truchement des blagues sur "les blondes" ( et pas les blonds... ).

En tous cas, elles n'arrivent pas jusqu'à mes oreilles, ni mes yeux. Je sais que ce n'est pas parce qu'on a jamais vu de cygne noir, qu'ils n'existent pas, cependant, je peux affirmer que c'est moins courant, vu que ça n'arrive pas jusque moi. Je précise que je ne vis pas dans une grotte, au fin fond du trou du cul du monde. Je vis dans une ville de moyenne taille, plutôt populaire, avec des personnes d'origine diversifiées ( Djibouti, Algérie, Maroc, Turquie, Portugal, Espagne, Russie, Viet-Nam, Chine, Arménie,... ), et je suis très connectée. Donc le coup de "ouais, mais tu connais pas la vraie vie, tu connais pas les quartiers/les migrants/les musulmans/incerezleboucémissairedevotrechoix"... ça ne marche pas!

Donc, quand vous dites "arrête de te victimiser", vous faites votre privilégié.e, car, souvent, vous n’admettriez pas les mêmes blagues que vivent ces personnes, si vous en viviez. Ce qui n'est pas le cas. J'ai déjà testé. J'ai fait une blague sur l’athéisme, et plusieurs personnes sont montées au créneau, les mêmes qui disent "c'est notre liberté de rire des religions"... Je précise que je suis athée. Mais je n'aime pas le "deux poids, deux mesures". 

Par contre, rire de sa condition, ce qui a été fait par Germaine Tillion et ses camarades, à Ravensbrück ( camp de concentration ), c'est un moyen de résister. Ce qui montre qu'on peut être victime ( ici des nazis ) et résister. Tu vis des horreurs, mais tu en ris, pour t'en sortir. Germaine Tillion disait que c'était le rire et l'amitié, qui lui ont permis de rester vivante. Dans l'opérette qu'elle a créé, elle parle des nazis, des conditions dans les camps. Qui oserait lui reprocher de se victimiser?! Personne, je l'espère! Parler de ses souffrances, créer à partir de ses souffrances, en rire, ça permet de construire la sortie de son statut de victime, parce qu'on digère la violence qu'on a pu vivre. 

Conclusion:

Ce que les personnes "anti-victimisation" nous disent, aujourd'hui, c'est de nous taire. Nous ne nous tairons pas. Car se taire ne permet pas d'avancer, ça ne permet donc pas de sortir du statut de victime. Pour évoluer, il faut s'exprimer, voire lutter, si on en a la force, pour obtenir justice. Même détruire les oppressions, si on souhaite s'engager dans cette lutte d'une vie. Mettre les nez des agresseurs/agresseuses, dans leur merde, ce qui peut, peut être, leur permettre d'évoluer, d'avoir une prise de conscience.

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