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Un labyrinthe dans la ville

Un labyrinthe dans la ville

Blog d'une brestoise: Coups de gueule, événements, humour, photos, poèmes, politique, projets de romans, et réflexion.


Aurore ( début de roman )

Publié par Le Labyrinthe sur 23 Décembre 2017, 22:29pm

Catégories : #Littérature, #Brest, #Féminisme

J'errais dans la rue, comme à mon habitude... Je regarde des gens courir, courir... après... après quoi, d'ailleurs ? Pour ma part, je préfère marcher. Je marche parfois à une vive allure, mais je ne cours uniquement par nécessité. J'aime marcher dans la rue, regarder les gens, regarder la ville qui s'active, écouteurs sur les oreilles. Mon allure s'accélère, quand la musique s'accélère, et vice versa. Je souris toute seule, parfois. Les gens doivent me prendre pour une folle. Je m'en fiche. J'observe les jeunes enfants qui se déplacent gauchement, suivis, sur les talons, par leurs parents attentifs et anxieux, les jeunes, transpirant, qui jouent au foot des heures durant, les zonards qui boivent une bière en discutant, les petites vieilles, voutées par les années, qui transportent leurs grands sacs de courses, comme Sisyphe faisait rouler son rocher. Les magasins s'ouvrent, puis se ferment. Montrant que le temps passe.
Un soir, alors que j'écoutais du Keny Arkana, en marchant sur le pont de Recouvrance, je vis une vieille femme en équilibre, sur le parapet. Je me précipita vers elle, effrayée : « Eh, madame ! ». Elle réagit à peine, en tressaillant, mais ne dit rien et garda les yeux clos. Je ne savais que faire.
Soudain, une jeune femme, aux cheveux tressés, apparu, attrapa la vieille dame, qui se laissa faire. En un clin d'œil, elle fut sauvée. « Hey, toi, là bas, tu viens avec nous ? On va boire un coup » J'étais étonnée d'entendre la femme aux cheveux tressés me faire une telle proposition, après ce qu'il venait de se passer. L'absurdité de la question me laissa coi. ( comme pour se justifier ) : « Je pense que Louise a besoin de réconfort, et toi aussi ». Ainsi, la vieille dame s'appelait Louise... Je ne sais pas pourquoi, j'acceptais. Et nous voilà, toutes les trois, marchant en direction de la rue de Siam. J'apprends que la femme aux cheveux tressés s'appelle Agnès, qu'elle est infirmière, et qu'elle est une voisine de pallier de Louise. Elle me demanda comment je m'appelle. « Aurore » : « Joli prénom », me répondit elle.
Nous arrivâmes dans un bar irlandais, d'où émanait de la musique traditionnelle. « Il doit rester quelques places, quand même... Du moins je l'espère ! » Dit Agnès. Effectivement, il restait des places, au fond, entre deux groupes bruyants. Agnès pris un thé ( « Je travaille à 6h30 demain matin, ce n'est pas le moment de boire ! » ), Louise une bière et moi un chocolat liégeois. Louise n'avait pas parlé du tout, pour le moment. Je commençais à me demander si elle était muette. Agnès, semblant lire dans mes pensées, me dit « Elle peut être bavarde, ça dépend de son humeur ». Agnès habite dans le même immeuble que Louise depuis trois mois, et elle a été très bien accueillie par cette dernière, ce qui n'est pas le cas des autres voisins, soit qu'elle ne voit jamais, soit qui sont grincheux. « Nous buvons souvent le thé ensemble ! ».
Soudain, Louise sembla sortir de sa torpeur : « J'aimais beaucoup boire le thé avec Rose ». Puis, se tut, le regard lointain. Ce fut si furtif, que je me demandais si j'avais rêvé. Je demanda, probablement trop curieuse : « Qui est Rose ? ». « Une personne que Louise aimait beaucoup », me répondit Agnès. Je vis une larme couler sur la joue de Louise. Le lendemain matin, tandis que je faisais des ménages, je pensais encore à Agnès et Louise. Agnès devait être en train de soigner des malades et Louise de se morfondre dans son appartement. La vieille dame est dépressive, depuis la mort de son amie.
A la fin de mon travail, j'allais acheter un magazine -un plaisir occasionnel-, « philosophie magazine », cette fois ci. D'autres fois, c'était « sciences et avenir », « le magazine littéraire », « le monde diplomatique », ou « l'humanité », et d'autres encore... Suivant mes envies et centres d'intérêts, suivant les sujets abordés. Dans « philosophie magazine », il y avait un dossier sur Spinoza. Je m'étais déjà intéressée à ce penseur, mais n'ai pas réussi à entrer dans « l'éthique », j'avais renoncé assez rapidement, face à la complexité de l'ouvrage. Je me dis que, cette fois ci, j'aurais probablement davantage de chances de le comprendre, avec ce magazine « vulgarisé ».
Ainsi, je marchais en lisant, ce qui m'arrive parfois. Quand, absorbée dans ma lecture, j'heurtais une personne. « Excusez moi ! » Fis-je, par réflexe. C'était Agnès. « Oh, bonjour ! » Lui dis-je, « comment allez vous ? ». « Tu peux me tutoyer, si tu veux ! Ça va. Un peu fatiguée, mais ça va, et toi ? Pas trop remuée ? » « Ça va. » Ainsi, nous continuâmes à discuter en marchant. Agnès aimait marcher, aussi. Un point commun. Arrivées en bas de son immeuble, elle me proposa de venir boire le thé « ou autre chose de plus fort, si tu veux ! », « je ne bois pas d'alcool » répondis-je. Nous gravîmes les escaliers à pas rapides. Moi un peu essoufflée, elle non. Elle me fit entrer avant elle, dans un deux pièces, où elle vit avec son compagnon, que je rencontra ce jour là : « Bonjour ! Fit il, en levant les yeux de son écran. Il jouait aux jeux vidéos. « Thé vert ou thé noir ? » Me proposa Agnès. « A moins que tu ne préfères autre chose ? ». « Du thé vert sera très bien, merci » Répondis-je, distraitement. J'observais les étagères remplies de livres. Quand j'allais chez des gens, c'était la première chose que je regardais. Je vis pas mal d'ouvrages médicaux, mais aussi d'ouvrages sur la Bretagne, sur les contes et légendes, ainsi que des bandes-dessinées. Agnès suivait mon regard : « Oui, on a pas mal de livres... Tu aimes lire, Aurore ? ». « Oui ! Beaucoup ! » « Si tu veux en emprunter, il n'y a pas de soucis » « Merci » Dis-je en rougissant, pensant ne pas oser emprunter des livres à une personne que je viens de rencontrer. Nous discutâmes de tout et de rien, de la pluie et du beau temps, pendant que son compagnon termina sa partie, et s'absenta. Nous nous quittâmes fort tard, j'étais euphorique d'avoir si bien discuté avec elle et commença à lui vouer une admiration sans bornes. Je ne pourrais jamais avoir autant d'énergie et de joie de vivre qu'elle, surtout avec un métier si stressant et pouvant tant suscité d'émotions fortes et contradictoires. Je sentis, bien qu'elle aimait beaucoup son travail et qu'elle en parlait sans misérabilisme, que la cadence et le manques de personnels étaient un problème criant. Je sentais bien que ça la touchait beaucoup, de voir mourir des patient-e-s. Moi qui tombait en syncope devant la moindre goutte de sang, je l'admirais. Mais j'éprouvais cette admiration pour d'autres raisons, que j'avais du mal à m'avouer. En sortant de chez Agnès, grisée, je croisa Louise. « Bonjour Madame ! » Fis je, avec un grand sourire. Elle me répondit bonjour, sans sourire, avec un air un perdu. « Ça va ? » Demandais-je. « Oui, oui », répondis-t-elle distraitement. Puis, elle leva les yeux, et me regarda vraiment. « Merci pour hier » « Oh, de rien » répondis-je, gênée. « Je n'ai pas fait grand chose, en réalité ». « Vous en avait fait plus que vous ne le pensez... et la volonté y était. » « Vous sortiez de chez Agnès, à ce que je vois... Je compte aller la voir, pour discuter ». « Oui. Elle est très sympa ! Je l'aime beaucoup. Pourtant, on ne se connait que depuis hier » « Elle est très attachante, oui. Allez, au revoir! Et la prochaine fois, nous pourrons nous tutoyer » « Au revoir ! »
Je descendis les escaliers, d'un pas rapide, et rêveuse. Je mis mes écouteurs sur les oreilles et affronta la pluie. Ce soir là, j'eus du mal à m'endormir. J'étais dans un état particulier, indéfinissable. Excitée.
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